Dans notre rubrique, arts, culture et traditions
ARCHÉOLOGIE – Le mystère des Cardamomes… bientôt résolu ?
70 jarres thaïlandaises contenant des ossements et 12 cercueils ont été retrouvés sur six sites archéologiques du massif des Cardamomes. Les recherches du Dr Nancy Beavan et de son équipe
permettent peu à peu de retracer l’histoire de ces mystérieuses découvertes.
Le Dr. Nancy Beavan ne connaissait rien au Cambodge quand elle est arrivée il y a dix ans. Simplement que Nixon l’avait fait bombarder. « Je ne pouvais même pas placer le pays sur une carte », se rappelle-t-elle. Mais depuis, elle se sent « comme chez-elle » dans la jungle des Cardamomes. Le Dr. Beavan et son équipe sillonnent le massif des Cardamomes sur 72 kms très spéciaux depuis une dizaine d’années pour résoudre un mystère ; 70 jarres thaïlandaises contenant des ossements et 12 cercueils ont été retrouvés sur six sites archéologiques. « Rien de tel n’a encore été trouvé au Cambodge », confie-t-elle. « Au Cambodge, lors des rituels funéraires, les morts étaient généralement incinérés, depuis très longtemps. Nos recherches montrent que ce rituel funéraire avait lieu exclusivement dans le massif des Cardamomes », explique-t-elle.
Le Dr. Beavan n’est en général pas sur le terrain. Un peu à la manière des experts que l’on voit dans les séries américaines, elle analyse l’histoire dans un laboratoire. Mais le Cambodge aura eu raison de cette pratique. Grâce à sa spécialisation en datation au carbone, elle a découvert que les cercueils et les jarres étaient en circulation au XIVè et XVè siècles. Mais si tout cela ne ressemble en rien à des rituels khmers, comment être sûr que ces ossements appartiennent bien à des Cambodgiens vivant il y a environ 600 ans ? « Ces personnes faisaient partie de tribus telles que celles des Por, Saouch ou Samrei », selon le Dr Beavan. « Elles avaient leur langage – la forme la plus ancienne du Khmer – Mais nous pensons aussi qu’elles sont celles que les références historiques appellent les « sauvages » des montagnes, menacées d’esclavage par le royaume d’Angkor, ce qui leur aurait donné une bonne raison de s’exiler dans les coins les plus reculés de la jungle ».
« Les personnes qui pratiquaient ce rituel funéraire faisaient également une äblation de dent, ce qui ne s’est pas vu au Cambodge depuis le IIIè siecle », explique-t-elle. Au cours de ses recherches dans les Cardamomes, son équipe a également identifié le premier site archéologique d’Asie du Sud-Est où le scorbut (déficience en vitamine C) a été identifié.
L’une des plus grandes questions que Dr. Beavan essaie de résoudre est la suivante : « Pourquoi se servir de jarres thailandaises (Maenam Noi) pour y deposer des ossements et comment autant sont-elles arrivées jusqu’ici ? » Depuis 2005, une lueur d’espoir s’est fait sentir grâce à des pêcheurs de la côte de Koh Kong, ramenant des jarres de même manufacture dans leurs filets. L’épave retrouvée contient des céramiques thaïlandaises, de la porcelaine chinoise et même deux défenses d’éléphant qui laisse penser que les produits précieux étaient également en transit. Cette découverte montre qu’un commerce avait lieu entre la Thaïlande et le Cambodge, incluant même la Chine. Le Dr. Beavan a depuis prouvé que le naufrage du bateau transportant ces objets a eu lieu au XVe siècle. « La seule chose qui nous reste à trouver est de savoir quand et pourquoi ce commerce avait lieu », conclue-t-elle.
source
Clothilde Le Coz (http://www.lepetitjournal.com/cambodge) Vendredi 5 avril 2013